Tribune parue sur Liberation
A L'initiative du collectif des universitaires contre les violences policieres
En réponse à la mobilisation des « Gilets jaunes », le 8 janvier, Edouard Philippe annonce au JT de TF1 l’examen d’une loi destinée à « prévenir et sanctionner les violences » en manifestation. Elle prévoit l’instauration d’un arsenal juridique susceptible d’entraver profondément le droit de manifester. Faisant suite à la proposition de loi du sénateur LR Bruno Retailleau, le premier ministre propose, entre autres, la possibilité de sanctionner plus fortement la participation à une manifestation non déclarée, l’instauration d’une interdiction administrative de manifester (éventuellement assortie d’une obligation de pointer au commissariat), la transformation en délit de la dissimulation du visage en manifestation, la création d’un fichier national des manifestants considérés comme « violents », l’extension de la notion d’ « armes par destination » à toutes sortes d'objets habituellement anodins, dont la simple détention est désormais punie comme délit par des peines de prison et des dizaines de milliers d'euros d'amende.
La défense du droit de manifester sert de justification à ces mesures exceptionnelles. Pourtant, ce qui apparaît exceptionnel depuis le début des manifestations des Gilets jaunes, c’est bien la répression dont elles ont fait l’objet : plus de 5000 gardes à vue, 4000 réponses pénales, 216 incarcérations ainsi que des mutilés, des éborgnés, des mains arrachées soit probablement plus de 1700 blessés depuis le début du mouvement, que recense le collectif « Désarmons-les ». Le 1er décembre, les forces de l'ordre ont tiré 10 000 lacrymogènes à Paris, soit une par manifestant si l'on se fie aux chiffres de la police. La violence de l'Etat est sans limite, il faut la stopper.
Ces violences s’inscrivent plus globalement dans la répression des mouvements sociaux qui n’a cessé de s’accroître, comme dans celle, plus quotidienne et invisibilisée, qui cible les quartiers populaires et leurs populations, en particulier les personnes racisées. C’est ce qu’ont rappelé avec force les images des lycéens et lycéennes agenouillés mains sur la tête à Mantes-la-Jolie. Ces violences sont également dénoncées par de nombreux comités suite à la mort de personnes, comme Adama Traoré, aux mains de la police. Finalement, la loi annoncée par le premier ministre rappelle l'inflation de normes « exceptionnelles » destinées à renforcer la sécurité depuis 2015 en particulier, qui accroissent le pouvoir administratif et policier au détriment de l’autonomie du judiciaire et des droits civiques.
Nous dénonçons l’ensemble de ces violences policières, tout comme le renforcement de l’arsenal législatif par des fichages, des contrôles et des interdictions de manifester, qu'ils concernent les manifestantes et manifestants, les lycéennes et lycéens, les personnes racisées ou les supportrices et supporters de football.
Les violences policières masquent aussi la violence d’un gouvernement qui reporte sur les policiers la gestion de la contestation de l’augmentation de la précarité et des inégalités, de la casse des services publics et du processus généralisé de mise en concurrence et de dérégulation.
Nous dénonçons la doctrine du maintien de l’ordre « à la française » et appelons au rejet de ces lois liberticides et à une réponse politique et non policière aux revendications mises en avant dans les manifestations. Nous demandons l'arrêt total de l'utilisation des Lanceurs de balles de défense (LBD) dans les opérations de maintien de l'ordre.
Nous demandons également l'abandon de toutes les poursuites à l'égard des manifestantes et manifestants et l'amnistie pour toutes et tous les condamnés du mouvement.
La liste intégrale des signataires :
Alam Thomas, politiste
Allal Amin , chercheur CNRS
Amiel Bastien, politiste
Andreani Fabrice, Université Lyon 2 (Triangle)
Andry Aurélie, University of Glasgow
Antolinos-Basso Diego, Cevipof - Sciences Po, Paris
Aubert Antoine, doctorant, CESSP
Bantigny Ludivine, Université de Rouen
Barthélémy Michel, CNRS
Baticle Christophe, UPJV
Bazin Laurent, anthopologue CNRS-CLERSÉ, CESSMA
Bertho Alain anthropologue université Paris 8
Bertrand Christine, Sorbonne Université
Bory Anne, Université de Lille
Boudet Martine, chargée de séminaires EHESS Paris
Florence Bouillon, MCF en sociologie à Paris 8
Bourad Aïcha, INRA Toulouse
Bourel Etienne, Lyon 2
Clerval Anne, géographe, Université Paris-Est Marne-la-Vallée
Codaccioni Vanessa, Université Paris 8
Comby Jean-Baptiste, sociologue
Dechézelles Stéphanie, Sciences Po Aix
Debos Marielle, Université Paris Nanterre
De Larminat Xavier, Université de Rouen
D'Emilio Luna
Desage Fabien, Maître de conférences en science politique, Université de Lille
Desrosiers Sophie, MC EHESS
Dhume Fabrice, sociologue, Crisis
Dutoya Virginie, CNRS
Froment-Meurice Muriel, Maitresse de conférences géographie, Université Paris-Nanterre
Garcia Sandrine, Sociologue, Université de Bourgogne
Gautero Jean-Luc, Université de Nice Sophia Antipolis (directeur du Département de Philosophie)
Gay Vincent, Paris 7
Gervais Julie, Université Paris 1
Giry Julien, IDPSP
Glaymann Dominique, Université d'Evry Val d'Essonne
Guibet Lafaye, Caroline, CNRS
Hadj Belgacem, Samir Université Jean Monnet Saint-Étienne
Hancock Claire, UPEC
Hayat Samuel, CNRS (CERAPS)
Hélier Odile, anthropologue
Johsua Florence, MCF Université Paris Nanterre
Klaus Enrique, Université Galatasaray
Kokoreff Michel, Professeur de sociologie à Paris 8
Krzywkowski, Isabelle, Littérature comparée, SNESUP-FSU
Labzaé Mehdi Université Paris 1
Lang Marion, Triangle
Lariagon Renaud, Université de Caen Normandie
Le Bars Joanne, Curapp/Lab'urba
Le Cour Grandmaison Olivier, universitaire
Le Roulley Simon, université de Caen
Le Roux Daphné, Philosophe
Lefèvre Bruno, Université Paris 13
Lévêque Antoine, Sciences Po Lyon, UMR Triangle
Maillard Pascal, Université de Strasbourg
Millou Vincent, doctorant en théorie politique
Momméja Adèle, sociologue, CNRS
Montoni Angelo, chercheur associé CEMS-EHESS
Morovich Barbara Ecole Nationale Supérieure d'Architecture Strasbourg
Nowakowski François, urbaniste, architecte, maître de conférences, ENSA Lyon
Oiry Annaig, ESPE Créteil
Okbani Nadia, Centre Emile Durkheim
O'Miel Julien, CERAPS/Université de Lille
Pailloux Anne-Laure, UBS
Parrau Alain, Université Paris 7
Pereira Besteiro Bastien, Enseignant en sociologie à l'Université Lumière Lyon 2
Peltier Emma, UPEM
Penissat Etienne, sociologue
Pfefferkorn Roland, professeur émérite de sociologie
Picaud Myrtille, Sciences Po Paris
Rivière Jean, Géographe, Université de Nantes
Roux Félicie, doctorante, Université Paris-Est
Roy Alexis, CNRS, Institut des Mondes Africains
Saddier Marianne, Université Paris 1
Sajn Sarah, Sciences Po Aix/CHERPA
Serres Thomas, Politiste, UC Santa Cruz
Sidobre Daniel, Maître de conférences, Université Toulouse III Paul Sabatier
Stella Alessandro, DR au CNRS
Talpin Julien, CNRS
Torretti Charlotte, Université Bordeaux 3
Uhel Mathieu, Université de Caen
Vadot Guillaume, IMAF, Paris 1
Valluy Jérôme, Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1)
Varacca Mari Oiry, géographe UPEM
Veron Daniel, sociologue
Vincent Fanny, CEET-CNAM
Vollaire Christiane, Philosophe CNAM